Monastère des Bénédictines de Koubri

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Homélie lors de la célébration des 50 ans du monastère (20 août 2013)

Monseigneur Stanislas Lalanne

Chers amis, chers frères et sœurs en Christ, célébrer le cinquantenaire de la fondation de votre monastère de Koubri, c'est l'occasion :

• d'une part,  de rendre grâce pour ces cinquante ans de vie monastique bénédictine à Koubri,

• d'autre part, de réfléchir sur le sens de la vie contemplative souvent méconnue.

Oui, tout d'abord, rendre grâce.

Nous pouvons reprendre à notre compte ce si beau passage de la lettre de saint Paul aux Ephésiens entendu à l'instant : « Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ. Dans les cieux, il nous a comblés de sa bénédiction spirituelle en Jésus Christ ».

C'est bien de cela dont il s'agit : rendre grâce pour l'œuvre de Dieu dans les cœurs de toutes les sœurs bénédictines ici depuis 50 ans.

C'est vous, Mère Jeanne-Marie, qui m'avez relaté la naissance du monastère de Koubri. Je reprends vos propres mots !

En 1959, à la suite de l'appel du Pape et des évêques d'Afrique, l'abbaye de Valognes répond unaniment « oui » pour aller semer la graine de la vie monastique contemplative en Haute Volta.

Monseigneur Zoungrana appuie le projet. Sœur Brigitte de Larminat, ici présente, est dans les toutes premières fondatrices.

Elles sont d'abord envoyées à deux, à Ouagadougou, pour une prospection. Elles découvrent une jeune Église, fervente et profonde, avec un tempérament à la fois enthousiaste et réservé. Mère Jeanne Marie l'a même comparée au tempérament normand !

La première célébration de l'Office divin, ici même, a lieu pour la fête de saint Bernard, le 20 août 1963. Le monastère de Notre Dame de Koubri est donc fondé, il y a 50 ans jour pour jour.

Les cinq premières sœurs venant de Valognes doivent d'abord faire face à la préoccupation de l'eau. Grâce à des aides de France et le génie efficace du Frère Adrien, des barrages sont mis en place, permettant aux sœurs, aux frères et aux villageois de cultiver.

Des demandes de soins arrivent aussitôt. Les fondatrices créent un dispensaire. Elles avaient demandé à une laïque française de venir s'en occuper. C'est après celle-ci que les Sœurs blanches puis les Sœurs de Saint-Gildas ont ensuite accepté de prendre en charge ce dispensaire. Depuis une vingtaine d'années, tout est entre leurs mains.

La liturgie, avec l'aide de l'Église du pays et celle des moines et moniales d'Afrique, se construit avec des rythmes et des instruments adaptés.

Le prieuré se développe puisqu'aujourd'hui vous êtes près d'une trentaine de sœurs dans la communauté.

Et les journées se vivent selon la règle de Saint Benoît. Prière, travail (fabrication de yaourt, et plus récemment, culture de la spiruline) et vie fraternelle.

C'est aussi la belle tradition bénédictine de l'accueil, pour des retraites, des sessions de prêtres, de laïcs, de foyers. Ce service d'accueil est riche de rencontres, d'échanges, qui font grandir l'Église.

Oui, notre cœur est à la louange et à l'action de grâce pour l'œuvre de Dieu visible à travers vos vies consacrées.

Ce cinquantenaire est aussi l'occasion privilégiée de réfléchir sur le sens de la vie contemplative. Une vie appelée à être prophétique, dans la crise du sens de nos contemporains.

Une vie qui doit être une réponse à la question : « la vie humaine, quel sens aujourd'hui ? »

Les personnes accueillies peuvent y reconnaître une invitation à vivre d'une nouvelle manière.

Vous n'êtes certainement pas destinées à changer le cours de l'histoire Vous êtes là, c'est tout, et votre vie n'a donc aucun sens sinon d'annoncer l'achèvement des temps, cette rencontre avec Dieu.

Vous êtes là comme ces gens qui attendent à l'arrêt du bus. Le seul fait qu'ils soient là indique que le bus doit sûrement s'arrêter.

Pas d'enfants, pas de carrière, pas de réalisations, pas de promotion, pas d'utilité visible !

Vous le savez, le monachisme occidental naît dans un moment de crise. L'Empire romain se meurt lentement sous les assauts des barbares. C'est alors que Benoît, après trois années de vie solitaire à Subiaco, commence à accueillir des disciples et à fonder une communauté de moines à Subiaco puis au Mont Cassin.

Alors que l'histoire de l'humanité semble n'aller nulle part, Benoît fonde une communauté dont la vie n'a de sens que d'indiquer cette fin ultime : le Royaume.

C'est bien le sens des Béatitudes que nous venons d'entendre … Ce texte qui donne la clé de toute la vie de Jésus, la clé du Royaume.

La plupart des gens suivent un modèle de vie et une histoire permettant de garder à distance de la question principale, celle du sens.

C'est vrai, une vie peut tenir dans sa signification du fait de tomber amoureux, de se marier, d'avoir des enfants puis des petits enfants.

Oui bien l'histoire d'un autre trouvera son sens dans une carrière, en gravissant les échelons de la promotion ou en faisant fortune.

Mais vos vœux ne vous offrent pas cette consolation. Vous n'avez pas de mariage pour donner forme à votre vie. Vous n'avez pas de carrière. Vous êtes nues à la face de la question : « la vie humaine, quel sens » ?

La force cachée de votre vie, c'est la croissance dans l'amitié de Dieu. Le modèle de votre vie, c'est la rencontre avec Dieu, et votre réponse à son invitation.

L'histoire de vos vies, c'est l'histoire de cette rencontre avec Dieu qui vient dans l'obscurité comme un amant.

C'est ce que vous célébrez en le glorifiant. Il est essentiel pour la vie contemplative et pour nous que vous chantiez les louanges de Dieu, même dans les jours de ténèbres.

Vous mesurez la journée aux heures de l'office divin, à la liturgie des psaumes, et pas seulement aux heures mécaniques de l'horloge.

Et ce rythme régulier de la louange est bien plus qu'un simple optimisme confiant que tout ira bien à la fin !

Vous proclamez que dès maintenant, dans le désert, parfois aride que nous pouvons traverser, le Seigneur de vie vient à nous et donne forme à notre propre vie.

En ce sens, la vie contemplative que vous menez est véritablement prophétique, car le prophète est celui qui voit l'avenir faire irruption dans le présent.

La vie contemplative n'est rien d'autre qu'une tentative de vivre l'histoire pascale de la mort et de la résurrection.

Vous mettez en œuvre une vie en Christ poussée jusqu'en ses ultimes conséquences, qui nous livre le sens de notre propre baptême, une vie qui a le goût des béatitudes.

Vos vœux en sont le signe. Par le vœu de stabilité, le vœu d'obéissance et le vœu de conversion ou observance monastique, la vie monastique est un appel pour que soit manifestée la figure du Christ à tous les hommes que Dieu aime.

La stabilité. Faire profession de stabilité, c'est votre manière de répondre dans l'humilité de la condition humaine, à la fidélité de Dieu.

C'est nouer un lien personnel, humain et spirituel, avec une communauté dont vous acceptez l'histoire, les besoins et les aspirations, les valeurs et les déficiences, la réalité présente et à venir.

Ce vœu de stabilité dans le monastère attache chacune de vous à sa nouvelle famille. Il l'enracine dans l'essentiel, dans la fidélité, signe de la fidélité du Christ.

L'obéissance. Obéir, c'est entendre. Obéir et ouïr ont la même origine. Dans l'obéissance, vous rejetez l'image de la vie comme combat par la force. Ce vœu vous rend semblables au Christ qui, parcourant les routes humaines, se taisait à l'écoute de la voix du Père. C'est la route de la fidélité. Votre vie tout entière est rendue disponible pour la mission reçue de lui.

La conversion ou observance monastique. C'est un vœu par lequel chacune de vous s'engage à « vivre en moniale », à adopter une nouvelle manière de vivre et à ne jamais se lasser de se convertir. Ce vœu englobe la pauvreté et la chasteté.

La pauvreté. La première béatitude chante la joie d'être pauvre. C'est une tristesse d'être misérable, c'est une joie d'être pauvre ! Le vœu de pauvreté tente d'aller vers cette place que le Christ a prise. Ce vœu révèle cet amour radical à la manière du Christ auquel nous sommes tous appelés.

La chasteté. Vous acceptez que la fertilité la plus profonde que vous puissiez avoir, c'est celle du Dieu créateur qui ressuscite les morts. Aimer suppose de mourir à soi-même pour que l'autre existe. C'est ne pas posséder l'autre. C'est la place que le Christ a prise parce qu'il est mort à lui-même pour nous faire vivre. Dans son corps, il a inscrit le lieu de l'offrande.

Eh bien, le propre de votre communauté, c'est d'instaurer entre vous, sur la parole de jésus, un mode de fonctionnement, un « art de vivre » qui reproduit, en cette vie-ci, dans les « vases d'argile », selon l'expression de Paul, avec vos forces et vos faiblesses, les unes à l'égard des autres, l'attitude de Jésus à l'égard de tous les hommes.

Vous annoncez en actes et en paroles ce que doit être l'Église, ce que doivent être nos communautés chrétiennes.

Alors, rendons grâce pour l'action de l'Esprit Saint au sein de votre monastère. La puissance de Dieu est bien à l'œuvre dans nos vies simples et ordinaires. C'est un signe fort d'espérance pour nous tous. Amen, Alléluia !

 

Koubri, le mardi 20 août 2013, en la fête de Saint Bernard

 

+Stanislas Lalanne,
Évêque de Pontoise